Aux confins – Jour 51, Le XIXe, ce désert des tests

Journal d’une famille confinée à Paris 19. Aujourd’hui, l’accès très limité aux tests dans le XIXe et quelques problèmes subséquents.

L’horizon du « déconfinement » du 11 mai se rapproche pour le sous-Parigot du XIXe fossilisé dans sa taule depuis 51 jours et il commence donc à s’ébrouer. Son objectif de ce dernier week-end est le test, évidemment. Rappel scientifique : il y a des tests « virologiques » pour savoir si on est porteur du virus, ou « sérologiques » qui déterminent si on porte dans son sang les anticorps, révélant qu’on a déjà eu la maladie et qu’on en a guéri. C’est le gouvernement lui-même qui l’a dit : les tests sont la clef du déconfinement réussi.

Le Premier ministre a ainsi déclaré le 28 avril à l’Assemblée nationale en présentant sa stratégie : « nous serons en capacité de massifier nos tests jusqu’à 700.000 tests virologiques par semaine (…) Pour atteindre cette cible, nous avons fait sauter les verrous (les laboratoires vétérinaires seront mis à contribution – NDLR). Cette mobilisation permettra de garantir un accès de proximité sur l’ensemble du territoire ». On va donc voir ce qu’on va voir, et le XIXe arrondissement de Paris est évidemment concerné au premier chef par cette stratégie.

Tout Paris est, chacun le sait, bien en rouge sur les cartes nationales de l’épidémie. A l’intérieur de Paris, c’est l’est qui est touché. L’ouest est épargné car il s’est vidé de près de 1,2 million de « corona-touristes ». Les cartes publiées par Le Monde sur la progression de l’épidémie, déjà publiées ici, le disent clairement pour mars.

L’état actuel de l’épidémie dans la capitale pour le 5 mai donne pour tout Paris 2.104 personnes toujours hospitalisées dans Paris intra muros, dont 404 en réanimation et 1.542 décès au total. Voici sur un site officiel les courbes d’évolution des principaux indicateurs (en rouge les hospitalisations, en orange les personnes en réanimation, en vert les retours à domicile, en noir les décès).

On remarque d’ailleurs que pour une zone désignée comme quasi-pestiférée et promise toujours à la fermeture des écoles et des parcs publics après le 11 mai (donc un quasi maintien en l’état du confinement), il n’y a eu ce 5 mai que… 13 entrées en réanimation pour tout Paris. Pour une maladie avec par ailleurs un taux global de 0,5% de mortalité, ce chiffre relativise quand même la gravité du problème. Mais l’ampleur nationale de l’épidémie justifierait indéniablement que l’est de Paris, où le virus a beaucoup circulé, soit prioritaire parmi les tests massifs annoncés par le gouvernement.

Pourtant, dans mon sous-quartier, un seul laboratoire, situé avenue Jean Jaurès, propose les tests virologiques et uniquement sur prescription médicale (ils sont remboursés par la Sécurité sociale). C’est la situation dans tout l’arrondissement au 7 mai, semble-t-il. Même au mal-nommé « centre Covid », installé dans l’hôpital privé de la fondation Rotschild (on s’y est rendu incognito) les tests sérologiques ne s’opèrent que sur rendez-vous et sur ordonnance, dit-on à l’accueil. Comment imaginer qu’une campagne de tests massive puisse s’opérer dans ces conditions ? Si dans notre zone déclarée « rouge » le dispositif est aussi faiblard, qu’en sera-t-il en zone verte ? Comment le gouvernement va-t-il atteindre son objectif de 700.000 tests hebdomadaires?

Un choix a été apparemment fait, celui de dépister en priorité les personnes présentant des symptômes. Pourquoi ? Le sujet a commencé à apparaître dans la presse : il y aurait pénurie de kits de tests, à tel point que, selon Le Monde, même dans les Ehpad, ils sont déjà rationnés. On imagine donc que le sous-Parigot du 19 va être encore plus la langue par terre, s’il souhaite connaitre son statut virologique.

Il ne verra évidemment pas les bus mobiles ou les « drive » à l’allemande où on peut se faire tester sans rendez-vous. Des dispositifs de ce genre ont été pourtant déployés par les hôpitaux de Marseille, où l’épidémie est pourtant nettement moins active. A Marseille, on peut aussi venir directement à l’institut désormais célèbre du professeur Didier Raoult, et les Marseillais s’y pressent.

En Allemagne, un dispositif de test souple et mobile invisible dans le XIXe

Le médecin marseillais n’a en l’espèce fait que suivre les recommandations du directeur général de l’OMS formulées dès le 16 mars, lire ici le discours complet : « Nous avons un message simple pour tous les pays : testez, testez, testez. Testez tous les cas suspects.  Si le résultat du test est positif, isolez-les et trouvez avec qui ils ont été en contact étroit jusqu’à deux jours avant l’apparition de leurs symptômes, et testez également ces personnes ».

C’est en effet, disent les spécialistes, la base de la médecine épidémiologique depuis très longtemps : identifier les porteurs d’un virus et ceux qu’ils ont pu contaminer, les isoler et limiter ainsi la progression de la maladie à moindre impact. On fait au passage sinon l’économie du confinement, du moins l’économie d’un confinement total, non seulement dévastateur économiquement, liberticide et policier, mais surtout insuffisamment efficace. Les pays asiatiques, familiers des épidémies, ont la science de cette technique, comme le relate bien Le Point ici.

Vu du XIXe, la leçon n’est pas passée, ni pour ces tests virologiques, ni pour les tests « sérologiques ». Un essai personnel l’a montré : ce test sérologique n’était disponible dans un laboratoire privé du quartier (au métro Laumière) qu’à partir d’aujourd’hui, le 6 mai. Après le prélèvement réalisé cet après-midi, le résultat n’est annoncé que pour…. lundi prochain, du fait selon le laboratoire d’un encombrement des dispositifs d’exploitation de résultats. Comme le test virologique, il peut être remboursé par la Sécurité sociale en cas de prescription médicale. Sans prescription, il a coûté en l’espèce 39,72 euros, un prix dissuasif pour beaucoup de budgets dans un quartier populaire, surtout après deux mois de confinement au régime financier sec. Comme pour les tests virologiques, il n’y a pas de structure publique dans l’arrondissement pour assurer ces tests gratuitement, encore moins bien sûr de structure mobile.

Certes, la Haute autorité de santé, un organisme consultatif, a émis un avis très sceptique sur ces tests sérologiques, lire ici. La question du caractère immunisant de la maladie (est-on protégé après l’avoir eu, est-on toujours contagieux juste après ?) n’étant pas totalement réglée, ils ne serviraient pas à grand chose. « Aujourd’hui, les tests sérologiques ne permettent pas de statuer sur une potentielle immunité protectrice ni a fortiori sur sa durée. Et ils n’apportent pas d’information sur la contagiosité ». C’est en effet certes l’état de la connaissance, mais il semble évoluer assez vite. Le doute se fondait en effet sur le cas de patients coréens supposés avoir été infectés deux fois, mais il vient d’apparaître que ce n’était pas le cas. Le caractère immunisant de la maladie semble donc toujours une forte possibilité.

Un peu comme les masques, l’indifférence publique à l’égard de ces tests sérologiques risque d’apparaître après coup comme une faute : identifier une population qui ne présenterait plus aucun risque ni pour elle-même ni pour les autres présente un intérêt évident. Cette population pourrait même peut-être s’avérer un atout pour résoudre le problème du Covid, suivant les résultats d’un essai clinique sur la possible vertu curative du plasma de patients guéris, dont la transfusion est déjà autorisée. On en reparlera sûrement.

De toute façon, dans le XIXe, on le sait, on est toujours méprisés. Le rappeur MHD (actuellement incarcéré bien que porteur du coronavirus), dont la famille est originaire de l’arrondissement, l’avait déjà dit. Il faudra se débrouiller comme on peut, avec ce qu’on croit, chez nous.

« Seul Dieu pourra m’en protéger/Le chemin est long, je compte plus d’ennemis que d’alliés/ J’suis seul, j’ai besoin d’personne, m’man prie pour moi »

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