Le bras droit des Balkany a été renvoyé en correctionnelle pour l’emploi présumé fictif accordé à Levallois à Jean Testanière dit « Le Mage », gourou des célébrités et homme de paille du banditisme corse. Crocs de boucher publie les documents de cette affaire burlesque, qui devrait être jugée début 2017 à Paris après…. huit ans d’atermoiements judiciaires.
Les Balkany sont ennuyés par les juges depuis que leur ami Nicolas Sarkozy a quitté l’Elysée en 2012. Les magistrats, brusquement réveillés, ont exhumé de leurs armoires des rapports de police et diverses preuves accablantes sur Patrick Balkany, 68 ans, député depuis 2002 et maire de Levallois-Perret (Hauts-de-Seine) de 1983 à 1995 et depuis 2001.
C’est ainsi que, en s’appuyant sur des éléments connus pour certains depuis plus d’une décennie, le juge Renaud Van Ruymbeke a administré à partir de 2013 une série de mises en examen au maire Les Républicains pour « fraude fiscale », « corruption passive », « blanchiment de fraude fiscale » et fausses déclarations de patrimoine. Le magistrat a fait saisir l’imposant patrimoine immobilier des époux, aux Antilles, au Maroc et en France.
Cette enquête laisse soupçonner que les Balkany se sont enrichis par une corruption systématique à Levallois, ville la plus endettée de France et paradis des promoteurs. Balkany s’est fait retirer son passeport. Mais présomption d’innocence oblige, il reste élu. Il a été investi par son parti pour 2017 et s’il était réélu, il voterait donc les lois jusqu’au traitement définitif de l’affaire. Ca pourrait durer, le procès n’étant pas encore en vue.
Pourtant, la saga des Balkany au tribunal va déjà s’ouvrir en 2017 par un premier épisode secondaire mais burlesque et révélateur, évoqué déjà par moi dans Sud-Ouest (lien payant), l’embauche entre octobre 2006 et avril 2011 à la mairie de Levallois-Perret de Jean Testanière dit « le Mage », magnétiseur-guérisseur de célébrités parisiennes et surtout homme de main du gang corse de la « Brise de mer ».
Jean-Pierre Aubry, 54 ans – ex-directeur de cabinet et homme de confiance de Balkany à la mairie – a été renvoyé discrètement en correctionnelle en juillet pour « détournement de fonds publics ». Testanière, 66 ans, comparaîtra pour recel. Successivement employé dans un service administratif, « La Ruche », puis au Levallois sporting club (dirigé par Aubry), il a gagné de 3.600 à 4.300 euros par mois, pour un total de 213.000 euros, sans presque jamais mettre les pieds dans la belle commune des Balkany.
On lira sous le lien ci-dessous l’ordonnance de renvoi rendue en juillet par le juge Serge Tournaire.
Né le 2 juillet 1948 à Toulon, Jean Testanière n’a qu’un baccalauréat et un certificat d’études pour les soins aux enfants handicapés, obtenu dans les années 1980, et il a travaillé durant vingt ans, de 1986 à 2006, à la mairie de la Seyne-sur-Mer, au service jeunesse. A Paris, il fait valoir un talent différend, car il se pique d’avoir des pouvoirs surnaturels de divination et de guérison.
S’il ne change pas l’eau en vin et ne multiplie pas non plus les pains, le personnage détient bien quelque chose de presque surnaturel, une faculté peu ordinaire à gagner la confiance aveugle de presque n’importe qui. Grâce à ses talents, Jean Testanière vit bien dans les années 2000, avec des comptes bancaires multiples et bien garnis. Il habite, dans ses années d’or du Wagram, dans un logement de la très chic avenue de Friedland, prêté par l’homme d’affaires Jean-Claude Darmon, grand argentier du football français, un de ses disciples.
Voilà comment ce dernier parle, extatique, de son « gourou » dans Le Point en 2010. « C’est un messager, un facteur, il vient d’ailleurs, il est d’un autre monde. C’est un homme qui n’est que bonté, il ne comprend rien aux bassesses de nos vies. Il est extraordinaire, sa générosité est illimitée. »
Si le « Mage », qui se targuait de pouvoirs magiques, n’était jamais à son poste à Levallois, c’était pour une bonne et simple raison : il était très occupé au même moment comme secrétaire du conseil d’administration du Wagram, détenu en sous-main par les parrains » du gang corse de la « Brise de mer ». Testanière assurait la façade de respectabilité du cercle, fréquenté nuitamment par le tout-Paris. Il fournissait surtout aux bandits 200.000 euros en espèces d’argent de poche par mois.
La police a fermé la boutique du Wagram en 2011 et l’affaire a valu au gourou un séjour en prison entre mars et juillet 2012, puis une peine de deux ans de prison dont un ferme en 2013. C’est lors de l’enquête sur le cercle qu’est apparu incidemment le 25 juin 2009 l’histoire de l’embauche du guérisseur à Levallois, quand les policiers ont eu connaissance d’une surréaliste conversation téléphonique entre Testanière et le directeur de cabinet de Patrick Balkany, Nicolas Gigon (successeur d’Aubry), enregistrée dans une autre procédure.
Ce dernier annonce au Mage qu’il a désormais le titre ronflant de « préparateur psychologique chargé de la motivation des athlètes de haut niveau au pôle olympique ». Testanière en semble lui-même abasourdi. « Putain, quelle histoire… Mon Dieu… Tu sais, je n’aime pas rentrer dans tout ça… ». Comme de juste sous le mandat Sarkozy, où les Balkany étaient intouchables, le parquet de Paris s’est assis sur le procès-verbal où les flics lui signalaient ce dossier, en vue de poursuites, que l’on peut lire sous le lien ci-dessous, avec la croustillante conversation dans ses annexes.
Curieusement, ce procès-verbal n’a pas ému tout de suite le parquet de Paris, qui s’est endormi dessus durant tout le mandat Sarkozy, où les Balkany faisaient figure d’intouchables. L’information judiciaire n’a été ouverte qu’en juillet 2012. Elle a duré quatre ans et les juges n’ont finalement retenu dans la prévention que la période 2008-2011. Ils considèrent qu’il n’est pas suffisamment établi que l’emploi de la période 2006-2008, où Testanière travaillait à La Ruche, ait été fictif. Ce dernier ne se voit donc reprocher « que » le recel de 145.000 de fonds publics sur les 213.000 perçus à Levallois. L’incrimination pourrait tout de même donner lieu à un utile remboursement à la ville de Levallois, tellement endettée.
Les magistrats qui ont instruit l’affaire ont beaucoup trainé puisque les mises en examen ne datent que de 2015, six ans après la fameuse écoute. Ils n’ont curieusement pas trouvé le temps de demander à Patrick Balkany si par hasard, il savait ce que le Mage faisait dans sa mairie.
Interrogée, Isabelle Balkany a en revanche admis avoir fait appel aux talents magiques de Testanière en consultation, mais il paraît que ça n’a aucun rapport.
En octobre 2013 dans Le Parisien-Magazine, Isabelle Balkany avait nié tout caractère fictif à cet emploi, dans un article réalisé par votre serviteur. « Même pas en rêve », avait-elle dit. Elle avait souligné les compétences de Jean Testanière en matière de prise en charge des enfants handicapés. Elle admettait cependant par ailleurs qu’elle le connaissait à titre privé et l’avait consulté en 2007 à titre de magnétiseur. « J’avais eu une importante opération dont j’avais du mal à me remettre. J’ai appris, je ne sais plus par qui, qu’il avait des dons de magnétiseur. Je l’ai vue deux ou trois fois, j’en ai vu d’autres d’ailleurs, ça n’a pas marché, et après je suis repartie chez mon médecin. »
Dommage que le magnétiseur n’ait pas pu faire bénéficier la première adjointe de ses pouvoirs magiques. Aurait-il en revanche d’installer une « passerelle » utile entre Levallois, le Wagram et les puissants bandits corses ? L’enquête n’a visiblement pas exploré cette hypothèse, qui en reste une.
Les avocats contestent toute infraction. Qui sait, peut-être Aubry – par ailleurs propriétaire théorique du fameux palais des Balkany à Marrakech, pour lesquels il aurait servi de prête-nom – fournira peut-être l’explication au tribunal, si les ondes du « Mage » produisent un effet magique.