Douaniers « ripoux » et millionnaires : le rapport enterré

Dessin douaniers 1

Crocs de boucher vous dévoile le rapport qui raconte comment des douaniers sont devenus millionnaires avec l’argent de la drogue pendant deux décennies.

Des trafiquants de drogue sanguinaires font la loi et s’échangent allègrement des montagnes d’argent par les lignes aériennes régulières, dans des grosses valises bourrées de millions d’euros en grosses coupures. La police est impuissante. La douane se sert au passage en interceptant à son profit une partie de l’argent, empêchant les forces de l’ordre de remonter les filières. Avertie, la justice ferme les yeux sur l’essentiel.

Suis-je ainsi en train de vous dépeindre l’Amérique latine au beau temps des cartels colombiens ou mexicains ? Pas du tout. L’Europe et la France, aujourd’hui. La police française a découvert le pot aux roses par hasard en 2012 et sept douaniers en poste à Roissy à la Brigade surveillance extérieure (BSE) ont été arrêtés.

Alors qu’il est apparu de suite que le manège de ces agents de l’Etat avec l’argent sale durait depuis au moins 20 ans, et que les douaniers avaient entassé partout dans le monde un fabuleux trésor qui se comptait en millions d’euros et peut-être plus, le dossier n’a pas été traité. Le tribunal de Bobigny ne devrait connaitre fin 2015 ou début 2016 qu’un dossier d’enquête tronqué, pour un procès tronqué.

Dommage, car l’Office central de répression du trafic illicite de stupéfiants (OCRTIS) avait tout dit dès le départ dans un rapport-choc, que personne n’a jugé utile d’exploiter jusqu’au bout. C’est trop bête.

Une malheureuse négligence ? Le manque de moyens du tribunal de Bobigny, totalement engorgé et où les juges d’instruction se succèdent à haute fréquence ? Une volonté d’enterrer une affaire potentiellement explosive pour la Douane et l’Etat français ? Les trois à la fois ? Mystère.

Heureusement, « Crocs de boucher » est là pour en livrer de bons passages de ce rapport évoqué par mes soins déjà dans Sud-Ouest, en exclusivité. C’est un document de onze pages , rédigé après les premières auditions et investigations et remis au parquet de Bobigny. Comme on le lit sur la page de garde ci-dessous, un nom amusant a déjà été donné à l’affaire : « Harpagon », le personnage de l’Avare de Molière.

 

 

La police a bien le droit de s’amuser un peu, même si ce dossier ne la fait pas forcément trop rire. Ce document relate toute l’affaire en commençant par le début, le 12 avril 2012.
L’OCRTIS est sur une piste brûlante ce jour-là, celle d’une valise d’argent contenant 640.000 euros en espèces, et que deux passeurs doivent acheminer par un vol régulier vers la République dominicaine.
Cette technique qui peut paraître incongrue est pourtant utilisée de manière routinière par les mafieux européens assurant la distribution de la drogue en Europe. Il s’agit de payer leurs fournisseurs, les cartels latino-américains. Cette appétence des criminels pour les espèces a été évoquée dans le livre que j’ai publié chez Flammarion en 2013 avec mon camarade Mathieu Delahousse, « Cache-cash ».
Ce mois d’avril à Punta Cana, à la surprise des policiers français qui travaillent avec leurs homologues locaux, la précieuse valise n’arrive pas. On examine les images de vidéosurveillance de Roissy et on s’aperçoit qu’un douanier semble avoir embourbé le magot.
Une filature s’ensuit, des écoutes téléphoniques et les policiers mettent au jour toute la filière par laquelle les douaniers blanchissent l’argent dans la principauté d’Andorre, un paradis fiscal situé dans les Pyrénées. Ses co-princes sont le président français et le roi d’Espagne, mais ça ne l’empêche pas d’être très accueillant pour l’argent sale.
 On lira ce vendredi sur le site Hexagones.fr, – le site d’enquêtes et de reportages que j’anime avec d’autres indépendants – la totalité du rapport et ses pages croustillantes sur les faramineuses découvertes des policiers dans les banques d’Andorre et aux domiciles des douaniers, l’histoire complète d’une maîtresse en Thaïlande évoquée comme prétexte pour un virement de 270.000 euros et bien d’autres détours de cette affaire.
« Crocs de bouchers » publie ici les passages les plus dérangeants pour la justice. Ce rapport vieux de trois ans mentionne en effet un aveu d’un suspect qui dit avoir commencé les vols dix ans auparavant, donc en 2002. Les chiffres sont déjà coquets pour de premières déclarations sur « ces choses », comme dit le suspect. Pas mal pour des salariés quasi-smicards.

tentative capture 10 ans
Un autre suspect, lit-on, fait de son côté remonter « ces choses » à 1994 en ce qui le concerne, et se souvient qu’il avait alors été « initié par un ancien », ce qui suppose que la pratique existait déjà.

capture finale 1994

Un troisième suspect explique avoir commencé en 1997 et décrit la fièvre qui l’a saisi.

capture d'écran 1997

Un quatrième dit avoir ouvert son premier compte en Andorre en 1998 et avoue au passage détenir au moment de l’interrogatoire plus de 1,1 million d’euros. Il précise que son fils est informé.

capture d'écran 1998

La question est donc : une enquête a-t-elle été menée par la justice pour vérifier les patrimoines de tous les douaniers de la DSE passés par la BSE de Roissy sur les deux dernières décennies ? Ils sont sans doute plusieurs dizaines au moins. Certains sont peut-être montés en grade.

Après des sollicitations infructueuses ces derniers mois, le parquet de Bobigny a fini par répondre par texto le 3 avril : « la seule nouveauté c’est que l’instruction touche à sa fin et que le dossier devrait être rapidement communiqué au parquet ». Le procès qui devrait se dérouler (si les délais habituels sont respectés), fin 2015 ou plus vraisemblablement en 2016, ne concernera que les sept douaniers pris sur le fait. L’instruction a-t-elle au moins permis de recenser et de saisir les biens acquis avec l’argent de la drogue par les douaniers en Thaïlande, à Hong-Kong, en Afrique et mis au jour par les toutes premières perquisitions ? On n’en saura rien pour l’instant.

On image que l’avocat des policiers, Daniel Merchat est ravi.  « Que des pratiques illégales aient existé au-delà de la prescription n’a aucun intérêt. Je considère que l’élargissement des investigations au-delà de 2002 est une perte de temps et un gaspillage de l’argent public »,  nous a-t-il déclaré.

À ses yeux, les douaniers ont fait quelque part leur métier. « Ils ont estimé que dans le cadre de la lutte contre le trafic de stupéfiants, compte tenu de ce qu’ils percevaient comme de l’inertie, il était plus efficace de priver les trafiquants du produit de leur business, c’est-à-dire de leur argent. Ce sont des soldats perdus qui ont continué leur guerre contre les cartels par d’autres moyens que ceux que leur donnait la loi. » Pour un peu, il demanderait une médaille au lieu d’un procès.

Quant à la douane, elle a assuré en 2014 avoir fait le nécessaire pour mettre fin à ce qu’elle considère comme des « comportements totalement isolés ». Fermez le ban et dormez, bonnes gens. La douane peut continuer sa vaillante lutte « contre la criminalité organisée », dont elle se vante dans de belles brochures.

4 commentaires sur “Douaniers « ripoux » et millionnaires : le rapport enterré

  1. Pays dans lequel on laisse sévir n fonctionnaires véreux qui sont du profil pour le cas ‘très bien notés’.
    Mon expérience de la douane fut desastreuse car j’ignorais qu’il fallait ici tres bas être vil, corrompu, pervers pour évoluer agrablement dans cette dite ‘famille’ …
    alcoolisme, cour du roi, machisme, harcelement moral à l’encontre des ‘rebelles’, abus de droits, faux ……….
    Pas joli, joli dans un état de droits dits pour légitimer l’impot, l’impression d’être dans un pays de dictateurs de piètre intelligence et moralité sauf de tres rares exceptions; On promeut plus facilement le pervers que l’intègre ou le courageux. Pour Roissy, peut être faudra t il répéter qu’un directeur de toulouse aura laissé s’égarer les données des infracteurs de Roissy après cette minable affaire: pas de sauvegarde ben voyons dans une direction nantie en moyens techniques et humains et malgré l’énorme salaire de l’ingénieur des mines nommé, menteur comme un arracheur de dents, se prenant lui aussi pour un roi, et depuis, malgré tout, ‘récompensé’ pour ses loyaux services (légion d’honneur!)… tout comme l’avait été dans cette direction un chef harcelant sexuellement ses employées (promotion encore avec du galon), triste pays fait d’hypocrisie dans lequel les pires sont mis à la gouverne et nous mènent au chaos.

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  2. Quelque part leur métier…. ben oui, vaut mieux être ripou en douane pour être promu à volonté et bien noté qu’intègre si on est un individu de sexe masculin, vaut mieux être une volaille ignorante ou consentante pour pouvoir évoluer en douane si on est un individu de sexe féminin. Alccolisme, corruption, mensonges, courbettes, abus de droit et mépris de la loi font le col blanc en ces lieux. J y suis entrée par hasard et par concours externe de categorie A , j’aurais mieux fait de m’abstenir. N’étant pas du ‘profil’ on m’en aura finalement sortie à coups de batons (placards, calomnies dans notation…) apres que j’ai demandé à un minable chefaillon de cesser de m’appeler sa chérie en service (pour ça il Avait déjà sa secrétaire…), j’avais à gérer un service de 6 agents et je n’avais pas intégré la douane pour voir ces coulisses. le dirlo de la direction des statistiques a ‘égaré’ les fichiers des infracteurs de Roissy, ben voyons, juste après cette affaire, ce dirlo se prenait parmi d’autres pour un roi apte à couper la tête à ceux qui ne faisaient pas paillasson (récompenses pour les autres….), l ingénieur des mines, pervers , méprisant la loi, menteur comme un arracheur de dents, a géré le système de lutte contre la fraude comme sa chose avec toute possibilité de supprimer certaines données, d’en ajouter d’autres ‘selon’…
    DEPUIS il a été récompensé par une légion!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!
    la France ne peut plus s’afficher comme un état de droits, les femmes et les intègres sont écartés, il faut faire partie de le cour, avoir le profil bas , vil, ou stupide . Jolie administration dirigée par les pires, hypocrites non maçons et autres incompétents profiteurs non contrôlés sévissant comme sous l’ancien régimes mais avec une multiplication de saigneurs sévissant.

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