Le dossier Sauvage, au-delà du « storytelling »

Graciée par le chef de l’Etat après une campagne médiatique, Jacqueline Sauvage avait été pourtant condamnée par deux cours d’assises à dix ans de réclusion du fait notamment de sa personnalité trouble et de fort doutes sur sa version des faits, qu’elle a même présentés en mai dernier devant un psychologue comme…. involontaires ! Crocs publie des documents inédits de ce dossier emblématique.

Une femme « sous emprise », maltraitée pendant 47 ans par un monstre qui abuse de deux de ses enfants et finit par s’en libérer en légitime défense en lui tirant dessus, sous l’emprise de médicaments et « les yeux fermés » : c’est l’histoire soutenue par les avocates de Jacqueline Sauvage et ses filles, qui a fini par porter ses fruits.

Le président François Hollande a fait usage de son droit de grâce à deux reprises, d’abord partiellement en janvier dernier, puis totalement ce mercredi 28 décembre. Jacqueline Sauvage est sortie de prison ce même mercredi après avoir purgé un peu plus de trois ans et demi de détention sur les dix prononcés à son encontre (12 septembre 2012-3 avril 2014, puis 28 octobre 2014-28 décembre 2016), une période exceptionnellement courte pour un homicide volontaire. Elle a tué son mari Norbert Marot le 10 septembre 2012 de trois coups de fusil de chasse.

Il lui est ainsi fait cadeau d’au moins un an et demi de détention supplémentaire , puisqu’elle était libérable en juillet 2018. Sur ce dossier très emblématique, il faut revenir aux faits et aller au-delà de l’émotion. Crocs vous propose donc d’examiner des éléments d’un document inédit, le dossier judiciaire constitué pour la demande de libération conditionnelle l’été dernier, très éclairant.

Voici sous le lien ci-dessous le dossier de la demande d’aménagement de peine, avec les faits de la cause, les divers avis et l’expertise psychologique.

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Voici également les « feuilles de motivation » des deux arrêts de cours d’assises, le document où la cour et les jurés résument les éléments à charge sur lesquels ils ont forgé leur décision.

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Qu’on se rassure, Crocs va faire les sous-titres. Nous allons évoquer  les points factuels légaux et factuels saillants oubliés un peu par beaucoup de médias en cette période de trêve des confiseurs.

La décision de grâce présidentielle n’est pas motivée, cette prérogative d’essence monarchique prévue par l’article 17 de la Constitution, très laconique, ne le prévoyant pas. Il est cependant implicite que le chef de l’Etat, par ces deux décisions successives, déjuge d’abord les deux cours d’assises composées de jurés populaires et de magistrats qui ont prononcé à l’encontre de cette femme de 69 ans une peine identique de dix ans de réclusion criminelle, en 2014 et 2015. Surtout, François Hollande va à l’encontre des deux juridictions d’application des peines composées de magistrats professionnels qui ont refusé (après la première grâce partielle), en première instance comme en appel cette année, une libération conditionnelle immédiate.

C’est donc la version médiatique de l’affaire soutenue par le très actif comité de soutien à Jacqueline Sauvage qui a prévalu. Avaient pris place dans ce comité des personnalités politiques de tous horizons et des figures du spectacle comme Eva Darlan et Muriel Robin. Il s’agissait pour toutes ces personnes de s’associer à la présentation du cas de Jacqueline Sauvage comme celui d’une injustice qui serait révélatrice d’une certaine indifférence de la société au phénomène des violences conjugales. Les arrêts des cours d’assises exprimeraient cette indifférence supposée, selon le comité de soutien.

Le problème est que l’affaire Sauvage est bien plus complexe que ne le pensent ces personnalités, dont aucune n’a bien sûr assisté aux procès. Les questions que ce dossier soulève, si elles avaient été prises en compte, seraient bien plus utiles au traitement du phénomène des violences conjugales qu’un pardon accordé confusément et en deux fois par un président en fin de mandat à trois coups de fusil très problématiques.

La défense de Jacqueline Sauvage s’est livrée à un authentique « storytelling », cette technique de communication de la « post-vérité », qui consiste à habiller la réalité pour la rendre plus défendable. Son actuelle intégration dans les reportages des grands médias tient sans doute au fait que les chroniqueurs judiciaires nationaux ont pour beaucoup initialement dédaigné le dossier, si bien que son véritable contenu est largement ignoré. Avant que les deux avocates Janine Bonaggiunta et Nathalie Tomasini ne lancent leur stratégie médiatique, leur système de défense a pourtant totalement échoué en appel à Blois en décembre 2015. (Elles avaient remplacé alors l’avocat intervenu au premier procès à Orléans en 2014).

Alors qu’elles plaidaient l’acquittement en soutenant la légitime défense qui aurait été motivée par les mauvais traitements infligés à leur cliente, l’argument est écarté. Non par des magistrats éthérés et désincarnés mais, comme dans toute cour d’assises, par un jury populaire (six membres en première instance et neuf en appel) siégeant avec trois magistrats et qu’il n’est pas possible de mettre en minorité. Il faut en effet, pour statuer contre l’accusé, six voix au moins en première instance et huit voix au moins en appel, comme on le lit dans la loi ici.

Pourquoi donc la défense de Jacqueline Sauvage échoue-t-elle ? D’abord parce que c’est juridiquement imparable : la légitime défense , pour être constituée, doit être simultanée à l’attaque et proportionnée, comme on le lit ici dans la loi.  Or Jacqueline Sauvage ne nie pas avoir tué son mari de trois coups de fusil dans le dos, des heures après une dispute dont elle dit avoir été victime, où « seul » un coup à la lèvre est attesté.

Mais le plus important n’est pas ce point juridique, même si certains ont voulu le mettre en avant, suggérant même parfois une improbable innovation juridique, la création d’une « légitime défense différée ». Autant dire un droit de tuer que même les policiers n’ont évidemment pas. La députée Les Républicains Valérie Boyer a soutenu cet étrange concept de « légitime défense différée », ainsi que celui d’une irresponsabilité pénale pour les femmes battues meurtrières. (Voir ici)

L’important est donc ailleurs : l’ensemble du « storytelling » de la défense est en doute. Il n’existe en effet nulle trace médicale des mauvais traitements qui auraient duré 47 ans, il n’y a jamais eu aucun dépôt de plainte, ni pour ces violences, ni pour les violences sexuelles alléguées par deux des trois filles de l’accusée.

Ces dernières n’ont d’ailleurs fait état devant la justice de ces violences sexuelles qu’à partir du premier procès. Il n’en avait jamais été question avant, notamment à l’instruction. Jusqu’au premier procès, elle ne parlaient que de violences physiques. Ca ne veut évidemment pas dire qu’elles n’ont pas existé, mais ce point entretient une certaine ambiguïté, d’autant que la quasi-totalité de la famille travaillait dans l’entreprise de transport du père.

Cette donnée très importante de l’affaire, relatée par les médias locaux comme ici au moment du second verdict, est totalement occultée aujourd’hui dans les récits de l’affaire, comme si la constitution d’un comité de soutien et les pétitions soutenant le « storytelling » faisaient foi.

Il ne s’agit pas ici de nier les violences subies par Jacqueline Sauvage, dont l’existence est rendue probable par des témoignages et dont les jurés ont tenu compte pour prononcer la peine de dix ans, alors que la perpétuité était encourue. La journaliste de France Inter Corinne Audouin, qui a suivi le procès d’appel, souligne l’abondance des témoignages. (Voir ici son live-tweet sur cette audience)

Ce manque de preuves et de traces des violences est expliqué par la défense par le « tabou » qui entourerait le phénomène. Est-ce suffisant pour justifier un trou noir de 47 ans ? Force est de constater ce flou qui entoure le dossier, et qui a pu expliquer l’appréhension mesurée de ce crime par les jurés. Quelle durée, quelle intensité ont eu ces violences ? On ne sait.

La personnalité de l’accusée telle qu’elle a pu apparaître lors des deux audiences d’assises semble de plus contradictoire avec le scénario d’une « emprise » de 47 ans et d’une omerta forcée. Il n’est pas contesté ainsi qu’au début des années 1990, lors d’une infidélité de son mari – qui lui donnait pourtant alors l’occasion de se débarrasser du conjoint présenté comme monstrueux – Jacqueline Sauvage s’est rendue au domicile de la maîtresse pour la frapper, et à une autre occasion l’a poursuivie en voiture. La maîtresse, entendue dans la procédure, n’a alors pas vraiment perçue Jacqueline Sauvage comme une femme soumise mais comme « une personnalité forte », a-t-elle dit. Ce récit figure dans le dossier en lien ci-dessus.

Dans le même temps, curieusement, Jacqueline Sauvage dit avoir été incapable de s’opposer à la maltraitance supposée sur ses enfants qu’elle impute à son mari.

La commission pluridisciplinaire des mesures de sûreté, qui a examiné son cas, relève cette contradiction au printemps 2016. Il faut en effet souligner que Jacqueline Sauvage, qui pratique la chasse, sait tellement manier les armes à feu que l’arme du crime était la sienne.

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C’est plutôt la pathologie d’un couple qui est en cause, et cette donnée est souvent présente dans le phénomène des violences conjugales.

La commission relève ainsi au printemps 2016 comment la condamnée l’explique elle-même :

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Lisons aussi le constat des psychologues qui ont examiné le 17 mai 2016 la condamnée en vue de son éventuelle libération. Ils font d’abord état d’un récit confus et constatent l’impasse qui est faite sur « les efforts fournis dans le passé pour maintenir une relation de couple pourtant pathologique et maltraitante ».

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Cette relation de couple pathologique n’est pas sans rapport avec les faits que Jacqueline Sauvage présente devant les psychologues comme…. involontaires, remarquent-ils. On ne s’étonne donc pas vraiment qu’à la lumière de cette étrange évaluation de son propre crime, les juges aient décidé qu’il était opportun qu’elle se traite encore un peu en détention, histoire d’y voir plus clair en elle-même.

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La conclusion n’écarte pas une libération mais préconise un traitement, dont il ne sera évidemment plus question après la grâce – en tous cas obligatoirement et de manière vérifiable.

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C’est donc ainsi qu’il a été fait cadeau d’une période d’enfermement qui avait pourtant son sens, concernant une femme qui voit toujours le fait de tuer son mari de trois coups de fusils comme un acte involontaire. Car pour certain(e)s criminel(le)s, la peine peut avoir un sens : celui du retour à l’Humanité, par la simple appréhension de son propre acte. Par le fait de réaliser très simplement qu’un crime a été commis et qu’il faut en payer le prix.

Mais surtout, par cette grâce confuse et à double détente, qui piétine une oeuvre de justice scrupuleuse, le chef de l’Etat a privilégié la lecture simpliste des violences conjugales, celles du « storytelling » des avocates défaillantes à l’audience. Elles ne seraient qu’une tyrannie de l’homme, on s’y trouverait fatalement enfermée ; on ne pourrait les dénouer qu’en faisant usage à son tour de la violence extrême, qu’il faudrait ensuite exonérer de condamnation.

C’est faire peu de cas de la force des femmes. N’aurait-il pas été davantage opportun de mettre en lumière au contraire la nécessité pour les femmes de se libérer de ces violences par la parole et les voies légales qui s’offrent dans un régime républicain ? Quitter un mari maltraitant, exposer son cas à la justice : ainsi avancera la cause des femmes frappées et humiliées. Le président de la République a préféré minimiser symboliquement trois coups de fusil dans le dos, quoiqu’il pourra en dire. Quelle laide décision sur le chemin de la libération de la femme.

France 2 a ramassé tout cela dans un intéressant reportage.

38 commentaires sur “Le dossier Sauvage, au-delà du « storytelling »

  1. C’est dur de comprendre lcr que veut dire la phrase « C’est plutôt la pathologie d’un couple qui est en cause, et c’est bien ce qui est en cause dans le phénomène des violences conjugales » et surtout de comprendre ce qu’elle essaie de démontrer dans ce texte.

    Le problème des violences ne peut pas se résumer à une crise symétrique à l’intérieur du couple. Simplement parce que dans la plupart des cas (9/10 je crois) ce sont les femmes qui meurent. Il y a là un élément de dissymétrie majeur: c’est peut être le problème du couple mais le coupable c’est l’homme. On ne peut pas le déresponsabiliser en rejetant la faute sur « le couple ».

    Si l’on réfléchit à ce que nous apprend cette affaire particulière, il faut tout de même faire attention à ne pas tomber dans des clichés trop sexistes.

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    1. Ce que nous montre les éléments du dossier, c’est que le simplisme d’une tyrannie de l’homme sur la femme ne fonctionne pas factuellement et d’ailleurs Mme Sauvage le dit elle même dans les passages reproduits. Elle aurait pu s’échapper, elle aurait pu laisser son mari fuir avec sa maitresse. Elle ne l’a pas voulu. Les raisons lui appartiennent mais c’est un fait. Il ne s’agit pas de dire que tout est égal à tout, mais il ne faut pas non plus simplifier comme c’est trop souvent fait.

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      1. La réponse n’est peut-être pas une emprise de l’homme seul sur la femme, sur Mme Sauvage, mais une emprise du « couple pathologique » sur ses deux composantes.

        Après lecture, il me semble que le couple des Sauvage était pathologique, fondée sur des relations interpersonnelles anormales, pour ne pas dire perverses. Dans pareils cas, il arrive que l’on reste non par attachement à l’autre, mais par impossibilité de se défaire du couple qui a été si longtemps formé, par la situation dans laquelle on s’est enfermé pendant 47 ans. C’est plus qu’une force de l’habitude ou une résignation, le « couple » est devenu une seconde nature, il est naturel d’en faire partie, fût-il pathologique et pervers. Les entités « couple » et « famille » sont une composante du ménage, tout comme la mère, le père et les enfants individuellement.

        Quant au discours confus de Mme Sauvage, certes il ne plaide pas en sa faveur a priori. Pourtant, ceux qui ont vécu des violences domestiques (physiques ou psychologiques) savent à quel point cela peut abîmer une personnalité. Personnellement, j’aurais été beaucoup plus inquiet si son discours avait été cohérent, complet et exact depuis le début car cela aurait alors démontré, à mon sens, la froideur et peut-être la préméditation d’un acte qui aurait alors été exécuté froidement, sans émotion, comme on épluche des carottes.
        Ceux qui ignorent combien de temps la rage et la peur peuvent persister en l’esprit humain auront des difficultés à le comprendre.

        Enfin, la finalité de la prison n’est pas de punir un acte ou de venger une victime, mais d’éloigner de la société civile des personnes qui sont dangereuses pour ladite société. Est-ce le cas de Mme Sauvage ? Va-t-elle bientôt recommencer à tuer, en dehors des circonstances extraordinaires, exceptionnelles qui l’y ont conduite une première fois ? Je ne crois pas.
        Alors s’il est vrai que Mme Sauvage tirerait sans aucun doute grand bénéfice de consulter un psychiatre ou un psychanalyste pour mettre un peu d’ordre en elle, je pense que le maintien en détention n’était plus justifié.

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  2. « violences sexuelles alléguées par deux des trois filles de l’accusée. Ces dernières n’ont d’ailleurs fait état devant la justice de ces violences sexuelles qu’à partir du second procès. Il n’en avait jamais été question avant, notamment à l’instruction. Jusqu’au second procès, elle ne parlaient que de violences physiques. »

    Il y a erreur je pense. D’après ce compte rendu du *premier* procès, les viols des filles avaient bien été mentionnés. http://m.france3-regions.francetvinfo.fr/centre/2014/10/31/affaire-sauvage-la-cour-d-assises-t-elle-ete-trop-severe-581415.html
    (Qu’ils aient eu lieu ou pas n’est pas ma question ici)

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    1. Je ne crois pas qu’on puisse aller jusque là. Les huis clos familiaux…. Mais enfin l’ensemble du tableau, avec l’histoire de l’agression de la maîtresse et ces allégations de violences sur les filles, laisse une impression confuse

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      1. Ayant des relations amoureuses plutôt passionnelles, ce meurtre est, pour moi, on ne peut plus banal dans l’éternelle histoire des crimes passionnels. Mais cette femme et 2 de ses 3filles et tout son comité, victimes de la mesquine idéologie bovarienne du féminisme, n’ont pas la flamboyance d’une Carmen et ne font en rien honneur aux femmes. Même les féministes se sont fait discrètes en surface. Depuis toujours et dans toutes les cultures c’est un thème récurrent que chaque groupe humain chatie à sa façon celui qui passe à l’acte(le meurtre) dans une relation passionnelle. Ce crime a été jugé pour ce qu’il était: Un crime passionnel. Jurè, j’aurai eu de la mansuétude pour une personne qui accepte le prix à payer pour sa passion, en harmonie avec ses démons. C’est comme ça la vie. La passion d’aimer c’est une (la?) jouissance. La règle du jeu: celui qui tue l’autre a perdu. Une personne a forte personnalitée, adepte de la chasse, en pleine possession de ses moyens qui après plusieurs heures d’une soi-disante dix millième dispute en 47 ans de vie conjugale et 3 enfants, passe à l’acte en tuant de trois balles de son propre fusil dans le dos son conjoint, ce n’est pas un meurtre avec préméditation? La ramener avec les enfants, dans ce cas là, toujours violés, ça rajoute au sordide. Notre président en interférent dans ce banal fait divers ne fait qu’obéir aux ordres de ses employeurs: de partout la guerre de tous contre tous. Le chaos à tous les étages. Depuis le début le storytailing puait le coup tordu, distillè dans les médias comme un feuilleton, mi pub, mi info(pléonasme) où par subtile glissement nous ne nous rappellons plus le début(banal crime passionnel) mais seulement le truc à gober à la fin, avec des outrances de plus en plus insensées. Entre autre remettre en cause des principes généraux du droit français par le feuilletonnage médiatique. Le mode de faire de plus en plus patent dans tous les domaines des institutions. Grace présidentielle cohérente avec le but à atteindre: faire disparaitre le Droit pour faire disparaitre la Loi.

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  3. Petite question, habituellement un fusil de chasse ne comporte que 2 cartouches. Cela voudrait dire qu’elle a rechargé pour le troisième ? Connait on le modèle du fusil ?

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  4. La réponse n’est peut-être pas une emprise de l’homme seul sur la femme, sur Mme Sauvage, mais une emprise du « couple pathologique » sur ses deux composantes.

    Après lecture, il me semble que le couple des Sauvage était pathologique, fondée sur des relations interpersonnelles anormales, pour ne pas dire perverses. Dans pareils cas, il arrive que l’on reste non par attachement à l’autre, mais par impossibilité de se défaire du couple qui a été si longtemps formé, par la situation dans laquelle on s’est enfermé pendant 47 ans. C’est plus qu’une force de l’habitude ou une résignation, le « couple » est devenu une seconde nature, il est naturel d’en faire partie, fût-il pathologique et pervers. Les entités « couple » et « famille » sont une composante du ménage, tout comme la mère, le père et les enfants individuellement.

    Quant au discours confus de Mme Sauvage, certes il ne plaide pas en sa faveur a priori. Pourtant, ceux qui ont vécu des violences domestiques (physiques ou psychologiques) savent à quel point cela peut abîmer une personnalité. Personnellement, j’aurais été beaucoup plus inquiet si son discours avait été cohérent, complet et exact depuis le début car cela aurait alors démontré, à mon sens, la froideur et peut-être la préméditation d’un acte qui aurait alors été exécuté froidement, sans émotion, comme on épluche des carottes.
    Ceux qui ignorent combien de temps la rage et la peur peuvent persister en l’esprit humain auront des difficultés à le comprendre.

    Enfin, la finalité de la prison n’est pas de punir un acte ou de venger une victime, mais d’éloigner de la société civile des personnes qui sont dangereuses pour ladite société. Est-ce le cas de Mme Sauvage ? Va-t-elle bientôt recommencer à tuer, en dehors des circonstances extraordinaires, exceptionnelles qui l’y ont conduite une première fois ? Je ne crois pas.
    Alors s’il est vrai que Mme Sauvage tirerait sans aucun doute grand bénéfice de consulter un psychiatre ou un psychanalyste pour mettre un peu d’ordre en elle, je pense que le maintien en détention n’était plus justifié.

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  5. Trois coups de fusil dans le dos, des heures après l’agression qui n’a laissé, de ce que j’ai pu glaner, comme trace qu’une lèvre tuméfiée, assimilent cet homicide à un assassinat. On ne s’en tient pas aux faits dans cette affaire, on clabaude dans le compassionnel, ce qui aboutit à des propositions aberrantes telles que la « légitime défense différée ». Et pourquoi pas l’« homicide préventif » pendant qu’on y est ? Ou une réécriture « genrée » du droit trop universel.

    Quant aux témoignages en faveur de l’accusée, finalement éléments décisifs dans cette grâce, ils branlent. Mme Sauvage a déclaré avoir agi alors qu’elle était sous l’influence de somnifères : c’est faux comme le montre l’analyse sanguine. L’heure des faits ne correspond pas aux témoignages recueillis. Deux de ses filles noircissent le portrait de la victime en parlant d’agressions incestueuses. D’abord même si tel était le cas, il y a mort d’homme, le viol n’autorise pas la privatisation de la justice. Ensuite rien ne le prouve puisque ces affirmations apparaissent après l’instruction. Donc il n’y a pas eu véritablement d’enquête en ce qui concerne cet élément, et de toute façon l’auteur de ces crimes présumés n’est plus là pour se défendre. Mais bon nombre des récits de cette affaire omettent de nuancer cet odieux portrait du mari.

    La colère de certains magistrats se comprend. Il n’est plus question de raisonnement juridique mais de cirque mélodramatique. Le président de la République, qui n’étonne plus personne en matière de décisions floues, la classe politique et un bon nombre de journalistes ne sortent pas grandis de cette affaire.

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  6. Une question : la plupart des fusils de chasse n’ont que deux cartouches. Est-ce que cela voudrait dire qu’elle a rechargé pour tirer la 3ème coup de feu ? En sait-on plus sur le type de fusil utilisé ?
    Merci pour vos précisions.

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    1. Bonne question. J’ignore ce point et le vérifierai à l’occasion. En tous cas, les trois coups de feu démontrent une intention assez affirmée.

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    2. La législation limite les armes de chasse à répétition semi-automatiques (nécessitant simplement l’action répété de l’index sur la détente) à 2 cartouches dans le chargeur (amovible ou tubulaire) +1 dans la chambre. Les armes de chasse à répétition manuelle (nécessitant une action manuel de réarmement avant une action digitale sur la détente) sont limitées à 10 cartouches dans un chargeur +1 dans la chambre.

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  7. On ne parle jamais de l’héritage: cette entreprise de transports. Ce sont ses filles qui vont toucher cet héritage, me semble-t-il? – Pendant 47 ans, elle supporte ce mari au lieu de demander la divorce , or ses enfants sont grands et savent le « martyre » de leur mère…
    Ce qui est choquant, c’est qu’elle ait tiré dans le dos de son conjoint par trois fois…
    Il y aurait tellement de choses à dire que je m’arrête ici. Merci pour cet article.

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    1. Le sujet de l’entreprise est en effet en toile de fond. Tout le monde y travaille ensemble (même les filles qui disent aujourd’hui avoir été violentées par leur père). Le jour du crime, il y a une dispute père-fils et ce dernier… se suicide (tout le monde ne le réalisera semble-t-il que le lendemain). Puis il y a le passage à l’acte de Mme Sauvage. La situation financière de la société semble très mauvaise. c’est donc un dénouement tragique d’une histoire familiale étrange et complexe, à appréhender dans sa globalité et sa spécificité – ce qu’ont fait les cours d’assises – et non une pure affaire de maltraitance.

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  8. Et à quand le « retour à l’Humanité » de ceux qui préfèrent voir leur congénère (Sauvage ou les 80.000 autres détenus que compte la France) en prison plutôt qu’en liberté ?

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    1. Ceci peut en effet se discuter. Beaucoup de personnes retournent mieux à l’Humanité en liberté, en effet. Mais dans son cas, elle ne semble même pas consciente d’avoir commis un crime, du fait peut-être de son « héroïsation ». Il était peut être opportun de rester pour elle un peu en détention, avec une aide, pour faire le point. Dans certains cas, cela peut être pertinent et c’était le sens des décisions.

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  9. La réponse n’est peut-être pas une emprise de l’homme seul sur la femme, sur Mme Sauvage, mais une emprise du « couple pathologique » sur ses deux composantes.

    Après lecture, il me semble que le couple des Sauvage était pathologique, fondée sur des relations interpersonnelles anormales, pour ne pas dire perverses. Dans pareils cas, il arrive que l’on reste non par attachement à l’autre, mais par impossibilité de se défaire du couple qui a été si longtemps formé, par la situation dans laquelle on s’est enfermé pendant 47 ans. C’est plus qu’une force de l’habitude ou une résignation, le « couple » est devenu une seconde nature, il est naturel d’en faire partie, fût-il pathologique et pervers. Les entités « couple » et « famille » sont une composante du ménage, tout comme la mère, le père et les enfants individuellement.

    Quant au discours confus de Mme Sauvage, certes il ne plaide pas en sa faveur a priori. Pourtant, ceux qui ont vécu des violences domestiques (physiques ou psychologiques) savent à quel point cela peut abîmer une personnalité. Personnellement, j’aurais été beaucoup plus inquiet si son discours avait été cohérent, complet et exact depuis le début car cela aurait alors démontré, à mon sens, la froideur et peut-être la préméditation d’un acte qui aurait alors été exécuté froidement, sans émotion, comme on épluche des carottes.
    Ceux qui ignorent combien de temps la rage et la peur peuvent persister en l’esprit humain auront des difficultés à le comprendre.

    Enfin, la finalité de la prison n’est pas de punir un acte ou de venger une victime, mais d’éloigner de la société civile des personnes qui sont dangereuses pour ladite société. Est-ce le cas de Mme Sauvage ? Va-t-elle bientôt recommencer à tuer, en dehors des circonstances extraordinaires, exceptionnelles qui l’y ont conduite une première fois ? Je ne crois pas.
    Alors s’il est vrai que Mme Sauvage tirerait sans aucun doute grand bénéfice à consulter un psychiatre ou un psychanalyste pour mettre un peu d’ordre en elle, je pense que le maintien en détention n’était plus justifié.

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    1. En effet le risque de récidive paraît nul. cependant l’état psychologique de cette femme est très mauvais. Elle ne semble pas réaliser ou admettre avoir commis un crime. L’idée de la maintenir un peu en détention – on parlait de quelques mois – était donc de lui faire comprendre qu’elle devait faire ce chemin sur elle. En l’héroïsant par le grâce, je ne suis pas sûr qu’on lui ait vraiment rendu service.

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  10. Si j’ai bien compris de loin, c’est quand le mari a voulu s’attaquer à son fils qu’elle l’a tue. Cela voudrait dire que pour ses filles, l’agression sexuelle était tolérable ??
    Certes il y a des doutes mais combien d’hommes maltraitent moralement et physiquement leur femme et leurs enfants ? Combien de femmes meurent dans l’indifférence totale sous les coups de leur cher mari. Il flotte quand même un sexisme certain sur toute cette histoire. Pourquoi prend elle 10 ans alors que la plupart des hommes qui tuent leur femme , sous prétexte de crime »passionnel » ne prennent que 5 ans ?

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    1. Son fils s’est en fait suicidé le même jour – elle ne l’aurait appris que le lendemain. Il y avait de l’eau dans le gaz de l’entreprise familiale et dans les rapports internes de cette étrange famille et cela a semblé culminer dans ce passage à l’acte. Par ailleurs les hommes qui tuent leur femme ne prennent pas systématiquement « cinq ans ». Cela dépend des cas. Chaque cas est différent. Et c’est pour ça que celui de Mme Sauvage a été jugé différemment d’autres cas de violences sur des femmes, où il y a eu acquittement ou sursis.

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  11. Je pense qu’il peut y avoir du storytelling des deux côtés. Tant qu’on n’est pas dans le dossier on ne peut pas savoir. Par contre il faut retenir Que les avocates de j sauvage ont rempli leur mission ET à ce titre elles ne peuvent pas être incriminées

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  12. Ce qui m’interroge, moi, c’est que tous les indignés de la grâce de Sauvage ne le soient pas par la libération anticipée de Cantat alors que là, il n’y a pourtant pas matière à interprétation: il l’a tuée à coup de poings, point. Personne ne s’insurge qu’il ait pris moins, en outre… Curieux.

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    1. les deux cas ne sont pas comparables. Dans le cas de Cantat, il n’y a pas intention de tuer. Il s’agit donc de « coups ayant entrainé la mort sans l’intention de la donner ». Il a été condamné à huit et libéré, je crois au bout de 4. Il aurait pu prendre plus, faire plus. Mais on n’est pas dans l’aberration. De plus, tout a été réglé par les juridictions ordinaires, en Lituanie, puis en France pour l’aménagement de sa peine. Jacqueline Sauvage est l’auteure d’un homicide volontaire. Et son sort a été réglé par une décision politique, au terme de la procédure.

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  13. J’ai lu avec attention tout votre article, et je réagirais sur un point en particulier, notamment sur les sentiments ambivalents ou équivoques qu’éprouvent Mme Sauvage à l’égard de son mari.
    Vous ne devez pas ignorer qu’il s’agit là d’éléments communs à beaucoup de femmes battues.
    Le syndrome des femmes battues se caractérise aussi par ce pardon revenant en boucle après les violences commises par l’homme, celui-ci sachant se mettre plus bas que terre après chaque « crise » de violence.
    Beaucoup de femmes battues ne partent pas car elles aiment leur mari, et croient désespérément en chacune de sa « repentance ».
    J’ai pris cet extrait sur le net d’une explication sur les conséquences psychologiques subies par ces femmes :
    « Les coups reçus, l’état de tension, de peur et d’angoisse dans lesquels elles sont maintenues par leur agresseur, ont de graves conséquences et sont à l’origine de troubles très variés. »

    Pour ma part, Mme Sauvage représente bien toutes ces caractéristiques.
    Sa libération anticipée ne changera pas son état. Elle est à juste titre reconnue coupable de meurtre.
    Mais si cela pouvait éveiller un tant soi peu notre société sur les problèmes que posent la plainte d’une femme contre son mari… Elle et très mal protégée. Il faut des preuves indiscutables. Et si elles sont avérées, l’homme ira en prison … pour très peu de temps. Si elles ne le sont pas, l’homme violent se vengera tout simplement.
    Dans tous les cas, la femme battue n’est jamais protégée.
    Je pense que c’est cela, la base réelle du problème.

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    1. En effet, cet aspect du problème des violences conjugales – l’enfermement psychologique de la femme victime – est connu.
      Mais dans ce cas précis, cet argument peut dérouter. D’abord, parce qu’il est censé avoir duré 47 ans, une durée exceptionnellement longue. Ensuite, parce que Mme Sauvage a montré dans un épisode attesté – l’agression très violente de la maîtresse de son mari – qu’elle était capable de volonté. Pourquoi donc l’exercer pour conserver un mari supposé tyrannique et non par exemple pour protéger ses enfants ou s’extraire de ce couple qu’elle présente aujourd’hui comme un calvaire ?
      Ceci nous ramène donc au point essentiel : « l’emprise » réelle ou supposée ne peut être un argument justifiant la violence. Si on a le courage de tuer, on doit bien avoir celui de claquer la porte.
      La solution est évidemment là et ne saurait résider dans un appel à la légalisation du meurtre conjugal.
      C’est le sens, je pense, du verdict des jurés, sur lequel de mon point de vue il n’y avait pas à revenir.

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    1. Je n’ai pas assisté à l’audience, je ne connais que le dossier. Mais il semble que ce point, comme tout le reste, ne soit pas très clair. L’entreprise familiale battait de l’aile et le climat général de discorde et de violence était extrême.

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    1. Ca ne semble pas très clair, tout ce qu’on peut relever c’est qu’il existait un climat général de discorde et de violence toutefois ambigu puisque tout le monde travaille peu ou prou dans l’entreprise familiale.

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  14. L’entreprise familiale est bien trop compliquée pour confier celà à des associations ou aux institutions médiatiques qui ne maîtrisent pratiquement aucun sujet.

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